Yann Queffélec, le véritable
Artiste en devenir, faisant mes premiers pas sur mon chemin de peintre, je change souvent de nom et de signature. Mon nom, en effet, ne l’est plus. Il me semble que je le perds, qu’il ne m’appartient plus.
Yann Queffélec, l’écrivain, dont le nom à l’état civil est Jean-Marie Queffélec, reçoit le prix Goncourt en 1985 pour son roman « Les noces barbares » alors que je suis étudiant en première année à l’Ecole des Beaux-arts.
L’ambition, ou une certaine naïveté ? Un artiste ne peut-il pas être un jour exposé à une certaine célébrité ? L’instinct me conseille alors de trouver un autre nom, un nom d’artiste. Je n’opte cependant pas pour cette idée.
Devenu assistant réalisateur au terme de mes études, je suis, quelques années plus tard, l’assistant du réalisateur Michel Dupuy pour une série de documentaires sur les écrivains bretons. La veille d’un de ces tournages, en 2001, Charles Le Quintrec, écrivain, romancier, poète et critique littéraire, Grand Prix de la Société des Gens de Lettres pour l’ensemble de son œuvre, ayant reçu par ailleurs de nombreux autres prix littéraires, appelle la production pour lui expliquer qu’il n’est pas question que Yann Queffélec vienne chez lui. La production lui indique qu’il ne s’agit pas de Yann Queffélec l’écrivain, mais de Yann Queffélec, le jeune artiste peintre, plasticien et assistant réalisateur.
C’est ainsi que je fais la rencontre de l’écrivain Charles Le Quintrec, qui, dès son arrivée, me conduit discrètement à sa cuisine, débouche une excellente bouteille et, les yeux pétillants, levant son verre, me déclare « Je suis heureux de boire à Yann Queffélec le véritable ! ». Nous plaisantons. Se tisse alors un lien. Nous discutons des sujets qui nous habitent : l’écriture, la réalisation, et la peinture.
Le documentaire réalisé, l’écrivain m’offre l’un de ses romans sur lequel il m’adresse cette belle dédicace : « A Yann Queffélec, le véritable. Ce roman d’Histoire et d’amour et mon amitié. Charles Le Quintrec, le 10 mai 2001 ».
Je réalise soudain, que très curieusement, c’est un écrivain, un grand écrivain, breton aussi, qui me restitue mon nom, tandis que l’autre semblait le me l’avoir emprunté, voire dérobé.
C’est ainsi que je retrouve mon nom. Le mien.