Voir
Vassily Kandinsky, peintre et théoricien de l’art d’origine russe, fondateur de l’art abstrait, conseillait à ses élèves d’apprendre à regarder la nature. Non de l’imiter, mais de constater l’infinie richesse de son imagination dans ses créations. Tout est là pour qui sait voir. Par cet apprentissage, humble apprentissage, l’artiste apprenait à se moquer de ces vanités artistiques qui conféreraient à l’homme les pouvoirs suprêmes de la création. L’art imite la vie, son ultime et éternel but.
Depuis quand serions-nous tout-puissants face à l’œuvre éternelle, l’œuvre absolue ? Restera-t-il quelque chose après nous qui n’y ait pas été avant ? Artistes tout-puissants, nous croyons maîtriser le cours des eaux et des énergies. Vanités des hommes. Entre nos mains d’apprentis sorciers, l’atome et l’éternel se fissurent. Au jour le jour, nous savons faire, et rien de plus. Aveugles vers les lointains.
Le paysage est le seul thème de l’artiste. Le seul qui vaille. Dans ses dernières peintures, la couleur s’en est allée, sans doute parce qu’il travaille l’hiver. Et qu’il vit l’été. Privés de couleurs, les paysages se révèlent avec une force et une simplicité particulière. Les couleurs ne flattent plus l’œil rassasié du bleu de la mer au vert du ciel (ou l’inverse). Il reste autre chose. Des forces en mouvement, en accord, fragiles instants de lumière, contre-jours aveuglants que seule la peinture peut affronter.
L’artiste a sans doute entendu (au loin) Delacroix réclamer de la boue pour faire de la couleur, ou Goya un morceau de charbon pour peindre.« Toute peinture est dans le sacrifice et les partis pris », a dit le maître.
Et ainsi en est-il de la vie.