" Une fois pensé, qu'est-ce qui n'arrive pas un peu dans le mystérieux univers ? " Villiers de l'Isle Adam
Et si l’imagination était le premier pouvoir de l’homme ? La croyance, la foi en nos désirs de voir le monde à travers le filtre de notre propre conscience influencerait-elle la réalité ? C’est ainsi que le romantique Villiers de l’Isle Adam pensait. Que peut-on imaginer qui n’existe pas vraiment un jour ? L’artiste explore les mondes connus et inconnus grâce aux pouvoirs de son esprit.
Les sources
Une phrase de Kandinsky disait à peu près ceci : « …Emmenez vos élèves dans la nature, apprenez-leur à regarder. Toutes les formes, toutes les couleurs y sont présentes. » . L’imagination se nourrit de ce qui existe (ou a existé), car tout existe en substance dans la nature qui peut être vu. Et voir est un grand mot dont Paul Eluard disait « Voir c’est comprendre ».
La croix
Dans sa recherche d’universalité et d’unité, Mondrian définissait l’angle droit comme un rapport de l’extrême un et de l’extrême autre et plus loin comme une manifestation de l’intériorité et de l’extériorité. Ces pensées le conduisirent à l’abstraction, toujours dans un souci d’unité et d’universalité.
L’angle droit est sûrement ce qui permet de voir le monde et de pénétrer les diverses formes qui le composent.
C’est par la croix, qui sépare et unit l’espace, que tout a commencé. Dans le basculement de la verticalité vers l’horizontalité, et dans le retour à sa position initiale. Le geste forme la croix, le mouvement forme l’inconnu et le reconnu dans le basculement de la surface.
Il y a deux réalités, énonçaient les symbolistes, celle qui nous entoure et celle qui existe en nous.
Pourquoi tendre vers l’universalité ?
L’individualisme est une réponse, un choix que les artistes ont souvent revendiqué face aux collectivistes de tous bords. Dès le XIXème siècle, ils ont souhaité maintenir cet individualisme face à la collectivisation montante des esprits et des sensibilités. Cultiver en chacun ce qui échappe à l’uniformité de la raison. Que diraient-ils aujourd’hui ! Les romantiques, les symbolistes, les surréalistes se sont toujours insurgés contre le rationnalisme et le scientisme montant du XIXème siècle préférant explorer les « croyances de l’esprit ». Tout un monde « l’ancien monde » était menacé par les débuts de l’industrialisation. Qu’en est-il aujourd’hui ? Dans son journal, Delacroix s’étonnait (s’indignait) déjà de ces voiliers toujours plus grands : « Nous marchons vers cet heureux temps qui aura supprimé l’espace, mais qui n’aura pas supprimé l’ennui… ». L’ennui comme le véritable ennemi de l’homme.
L’universalité est un leurre, une utopie. Une tromperie orchestrée par le progrès et ceux que directement il a enrichi. Et il ne semble pas que l’homme dans sa véritable nature en soit le bénéficiaire. Le progrès rend-il le monde meilleur ? Au contraire, le contexte créé par celui-ci submerge l’homme. Il a perdu la toute puissance de son individualité.
La Bretagne
Il ne s’agit pas d’un hasard si le groupe des Nabis s’est installé en Bretagne. Un lieu encore préservé à l’époque de l’esprit progressiste qui s’énonce ailleurs tout puissant guérisseur des corps et des esprits. Les Nabis trouvèrent, comme Mondrian plus tard, l’angle droit, manifestatiion d’une intériorité et d’une extériorité. Les deux réalités.
Est-ce alors que les paysages de la Bretagne, qui me semblent être encore l’enjeu de cette interrogation, de cette dualité de l’homme et de l’art, se sont mis à exister tels qu’ils furent recréés (imaginés) par Sérusier, Bernard, Gauguin et les autres ? Car « Une fois pensé, qu’est-ce qui n’arrive pas un peu dans le mystérieux univers ? ».