Regard
Pour Yann Queffélec, la relation avec le paysage, plus particulièrement celui des rivages, est de plus en plus essentielle, ressentie comme une source vive de sa création artistique. Loin d’une simple tentative de reconstitution de ce qui est donné à voir, il s’agit pour lui de trouver dans l’existant, les inventions et les originalités infinies de la nature susceptibles d’alimenter son travail. « Je n’ai cessé depuis, de m’attacher au réel, à l’existant, pour marcher sur les limites de son abstraction » affirme-t-il.
Dans ses dernières séries de peintures, il a surtout travaillé sur des formats dits figure, sans doute une façon de résister au paysage.
Après avoir déclaré en 2006 que seul le paysage vaut d’être peint, il s’en explique un peu plus tard en ajoutant que « toute peinture est un paysage, en cela un lieu connu ou reconnu par le regard et que, pour autant, ce qui s’inscrit de manière non explicite dans mes toiles ne concerne pas le paysage. Je peins des lieux, connus ou inconnus, qui ont toujours existés, d’où l’homme est absent, sans trace d’une intervention humaine, sans architecture, ni objet manufacturé. Des lieux qui existeront toujours après nous. Je suis très sceptique sur « l’idée » de civilisation. Peu de personnes aujourd’hui peuvent ou savent regarder chaque jour le soleil se lever ou se coucher sur l’horizon. J’ai souvent pensé que je peignais le vent, mais de plus en plus, je pense que je peins le temps ».
Dès le départ, l’artiste s’impose de fortes contraintes. « Ce qui m’importe le plus à ce moment précis dans mes recherches est l’économie de moyens. L’importance du geste. Pourquoi faire tel ou tel geste et non un autre ? Je veux que tout soit visible. Enfin presque. Le résultat est fonction de mes choix antérieurs. Je travaille sans repentir. Si le résultat ne me satisfait pas, je dois recommencer, tendre une nouvelle toile blanche. Je regrette parfois d’échouer, mais j’aime ce risque ».
Nulle trace de matière ou d’épaisseur sur les toiles du peintre. Certaines toiles s’apparentent tant à des photographies que le spectateur s’y laisse parfois prendre. « Mon travail, effectivement, évoque certains aspects de la photographie. Adolescent, j’étais un grand collectionneur des images de Paris Match que je découpais dans le magazine. Plus tard, intégrant l’Ecole des Beaux-arts, mon ambition a été celle du cinéma. Aujourd’hui, la photographie est considérée comme un art, il y a peu ce n’était pas le cas. Je pense que la peinture ne peut laisser à la photographie seule, le vaste champ de la figuration ».
Dans ses dernières expositions, Yann Queffélec a dévoilé des peintures où le noir remplace les blancs (négatifs), et où la figuration est remise en cause. « Je pense qu’un peintre peut explorer des écritures, des styles qui semblent -j’insiste sur le verbe- différents. Gerhard Richter, peintre allemand abstrait et figuratif, a ouvert la voie, cette possibilité. Néanmoins mes contraintes restent les mêmes, je ne peux que produire, chercher, et faire. Créer ».
L’œuvre picturale de l’artiste se caractérise par des contrastes extrêmement affirmés entre le noir et le blanc, avec des transitions finement nuancées par de multiples qualités de gris. Les oppositions donnent d’autant plus d’intensité à son interprétation du paysage, qui fait suite à une élimination radicale de toute couleur. « Le contre-jour est un thème récurrent dans mon travail. La lumière. L’aveuglement. Regarder jusqu’à ne plus voir ».
Yann Queffélec & Cathy Juhel