« Les Comètes ». Entretien entre l’artiste et M. Johns - 2017.
M.J. : Pour débuter notre entretien, je vais vous demander ce qui est à l’origine de cette série que vous appelez Comètes.
.Q. :C’est la question de la forme, une des questions les plus essentielles. La plus abstraite des œuvres s’exprime grâce à une forme. Le carré blanc est un carré tout d’abord. Je venais de quitter un atelier de 120 m² pour retourner dans l’atelier plus petit et plus intimiste situé tout en haut de ma maison. Il m’a semblé naturel et créatif d’aborder ma peinture par de petits formats. Les contraintes aident beaucoup. Pour autant, il n’y a rien de prémédité dans le choix des formes au début du processus.
M.J. : Vous voulez dire qu’au point de départ de votre recherche, il n’y a pas de volonté consciente ?
Y.Q. : Oui, c’est cela. J’ai les outils et les gestes, les bases de l’exécution et avec l’expérience je pense savoir plus ou moins maintenant ce que je peux faire ou ne pas faire, ce qui est, à mon sens, crucial. L’exécution est aussi une question essentielle. Voyez Hans Hartung, peintre abstrait, ou Gerhard Richter, autre peintre abstrait mais aussi figuratif.
M.J. : L’exécution génère la forme ?
Y.Q. : En bonne partie oui. Mais à la genèse de cette série, comme de toutes d’ailleurs, il faut qu’il y ait une reconnaissance de la forme par l’auteur. Et cette reconnaissance est affaire compliquée lorsqu’il s’agit de l’exprimer par les mots.
M.J. : Pourquoi ?
Y.Q. : Parce que les mots dans cette tentative sont toujours réducteurs. Ce que l’on peut dire de son travail avec certitude à un moment donné, se retrouve bien souvent invalidé quelques années plus tard. Le temps génère une certaine clairvoyance. Et j’ai besoin de temps. La peinture est, dans mon cas, une pensée en mouvement. Je n’en mesure pas toujours les ramifications ou les trajectoires. Nous enregistrons inconsciemment un grand nombre d’informations, d’évènements et d’images. Le monde extérieur influe sur nous.
M.J. : Vous m’avez déjà parlé du temps.
Y.Q. : Oui, probablement parce que j’emprunte régulièrement les allées d’un vieux cimetière situé non loin de ma rue, pour me rendre en ville. Il me semble en outre fort intéressant d’observer les sociétés et l’évolution de l’humanité dans son rapport au temps. Un contre exemple saisissant de ce que l’on peut penser de notre époque est celui de cette équipe du centre spatial européen qui a envoyé une sonde dans l’espace en 2004, dans l’espoir qu’elle croise la comète Tchouri et qui patientera 10 années avant de découvrir les premières images de la comète. Ceci est un évènement qui m’a beaucoup marqué : ce rapport au temps.
M.J. : Puisque vous parlez d’images, j’aimerais vous interroger sur ce rapport à la photographie dans votre peinture. J’entends en effet assez souvent des commentaires de personnes, dans vos galeries et expositions, faisant un lien précisément avec la photographie.
Y.Q. : Pour plusieurs raisons, je pense. D’une part, parce que la photographie est, maintenant, très présente sur la scène artistique, dans les galeries, pour ne pas dire à la mode. Et d’autre part parce que ma peinture trouve souvent et presque nécessairement un ancrage dans le réel, c’est un des aspects de cette reconnaissance par le peintre dont je vous parlais. Cela tient aussi à l’exécution, pas d’épaisseur dans ma peinture, elle est surface lisse. Presque distante. Pour autant, rien de ce que j’ai peint n’existe vraiment avant d’être peint, puis ensuite photographié.