« Les Colosses ». Entretien entre l’artiste et M. Johns - 2016.

M.J. :  Comment est née la série des colosses ?

Y.Q. : Comme souvent, à l’origine, il y a une première toile dont l’exécution génère la première image d’une forme sans que ma volonté consciente y soit forcément engagée. Dans le cas d’une recherche sur la forme faite des contraintes qui me sont propres, les gestes, qui eux sont issus de l’expérience, de choix faits il y a longtemps, acquièrent une indépendance qui va permettre l’émergence de nouvelles formes, d’une nouvelle image que je vais ou non reconnaître.

M.J. : Reconnaître ?

Y.Q. : Oui, quelque chose de jamais vu et qui paradoxalement va trouver une reconnaissance dans le réel. En 2001, j’ai été très choqué par la destruction des sculptures monumentales des Bouddhas de la vallée de Bâmiyân en Afghanistan, destruction ordonnée par les talibans invoquant que toute représentation humaine est interdite par la doctrine islamique. J’ai effectué de nombreuses recherches sur le sujet et capturé quelques images comme je le fais pour beaucoup d’autres. J’ai été très étonné du peu d’articles qui y étaient consacrés. Après avoir réalisé la première toile en 2012, j’ai reconnu cette image des colosses. Mais la reconnaissance ne s’arrête pas là. Le colosse véhicule l’image d’un sujet indestructible, invulnérable et éternel, des notions qui prennent leur source dans la mythologie grecque, et qui vont dans le prolongement de mon travail, aussi est-ce pour cette raison que j’ai poursuivi cette série.

M.J. : Comme une volonté de renaître ?

Y.Q. : Non, plutôt comme une volonté d’affirmer qu’il est impossible de détruire ces images. Je pensais que le sujet était important, qu’il fallait faire ou dire quelque chose. En 2012, j’ai aussi entendu parler d’une sculpture en bronze d’Adel Abdessemed, un artiste franco-algérien, intitulée « Coup de tête » qui évoquait le geste de Zidane à Materazzi lors de la finale de la coupe du monde de football à Berlin contre l’Italie. La statue, à l’origine commandée par le Qatar qui n’en n’a plus voulu, considérant qu’il s’agissait d’idolâtrie, à été récupérée et exposée par le Centre Pompidou qui s’est bien rendu compte qu’elle était un parfait objet de communication, en raison du grand succès qu’elle a rencontré auprès du public. Je pense que ces deux informations se sont associées dans mon inconscient et qu’elles ont ainsi donné naissance à cette série, comme un travail qui devait être fait