Biographie
1965
Naissance de Yann Queffélec le 8 novembre à Brest.
1968 - 1975
Ecoles maternelle et primaire Quéliverzan à Brest.
1976 - 1980
Études secondaires au collège Les 4 Moulins à Brest. Obtient sont BEPC. L’enfant est curieux de tout. Précoce, il lit beaucoup et doit être alimenté en livres en permanence. Il peint et dessine avec sa mère qui l’initie tôt à la peinture. Elle lui offre un livre « Mon merveilleux musée » de Noor Zade Brener et Anita Pereire des Editions Nathan. L’adolescent commence sa collection d’articles et de photographies de presse, qu’il découpe dans les magazines, notamment dans les Paris Match du salon de coiffure de sa mère, articles portant sur des sujets divers de société en France et dans le monde. Puis il écrit. Il écrit des poèmes et ses pensées sur le monde et tient plusieurs journaux intimes. Il poursuivra ce travail d’écriture tout au long de sa vie.
1981 - 1982
Études au lycée sylvicole & agricole de Neuvic en Corrèze. 1ère BTAG. Intéressé par les arbres et les forêts, il désire devenir garde-forestier.
1982 - 1983
Poursuit son cycle au lycée agricole de Morlaix dans le Finistère. 1ère BTAG. L’adolescent est rebelle. Il trouve difficilement sa place. Les formations dispensées dans ces lycées sont en effet davantage axées sur l’agriculture, ce qui ne l’intéresse pas. Lui s’intéresse exclusivement à la sylviculture. Il découvre le cinéma.
1983 - 1984
Inscrit au lycée agricole de Quimper, en terminale BTAG. Démotivé, ne sachant pour quelle orientation opter, il poursuit cependant ce cycle d’études en attendant de trouver sa voie. Le futur artiste qui ne se sait pas encore, déclarera plus tard « Je voulais être garde-forestier, avoir une Jeep, un chien roux et une cabane dans les bois ». Il se désintéresse définitivement de ces études et se tourne vers le cinéma et l’art pictural. Il anime aux côtés d’un ami, fan comme lui de cinéma, une émission de radio hebdomadaire consacrée au 7ème art sur Contact FM, nouvellement créée. C’est le début des radios libres. Il découvre les réalisateurs Jean-Luc Godard, François Truffaut, Pier Paolo Pasolini et beaucoup d’autres.
1984 - 1985
Intègre l’école des Beaux-Arts de Quimper, dirigée par Michel Pagnoux. Inscrit en 1ère année.
1985 - 1986
Inscrit en 2ème année. Il suit parallèlement une formation de cinéma art & essai co-organisée avec le concours de la Cinémathèque Française, par l’association de cinéma Gros Plan dirigée par Marc Ruscart et l’école des Beaux-Arts. Cette formation a pour objectif d’ouvrir les étudiants et les spectateurs à même d’apprécier les films techniquement, au cinéma art & essai. Expérience pilote en France, son succès déterminera sa reconduction dans d’autres villes en France. Au programme : projection de films, étude sur leur réalisation, travail, rencontres, conférences et discussions avec des réalisateurs, critiques et écrivains.
Le jeune Yann Queffélec assiste à la projection de nombreux films. Il y découvre les plus grands films et réalisateurs comme :
– David Wark Griffith présenté par le réalisateur et critique de cinéma Jean Douchet de la Cinémathèque Française, et ancien Directeur de l’IDHEC. « Naissance d’une nation » sorti en 1915, sur la guerre de sécession américaine ; « Le lys brisé » sorti en 1919, d’après la nouvelle de l’écrivain britannique Thomas Burke.
– Carl Dreyer présenté par Charles Tesson des Cahiers du Cinéma. « Vampyr » sorti en 1932, adaptation de Carmilla, roman fantastique de l’écrivain irlandais Sheridan Le Fanu ; « Ordet » sorti en 1955, adaptation de la pièce de théâtre éponyme de l’écrivain danois Kaj Munk ; « Gertrud » d’après la pièce de théâtre de l’écrivain suédois Hjalmar Söderberg sorti en 1964 ; « La passion Jeanne d’Arc », film muet sorti en 1928.
– Jean Renoir présenté par Claude Beylie, alors Directeur de la Cinémathèque Universitaire Paris 1 Panthéon-Sorbonne. « Le crime de M. Lange », d’après le scénario de Jacques Prévert, film libertaire sorti en 1936 ; « Le journal d’une femme de chambre », adaptation du roman d’Octave Mirbeau, sorti en 1946.
– Jean-Luc Godard présenté par Alain Philippon, critique aux Cahiers du Cinéma. « Le mépris » d’après le roman éponyme d’Alberto Moravia, sorti en 1963 ; « Prénom Carmen » d’après le scénario d’Anne-Marie Miéville, sorti en 1983 ; « A bout de souffle » d’après l’idée originale de François Truffaut, sorti en 1960 ; « Pierrot le fou » sorti en 1965, d’après le roman policier « Le démon de onze heures » de Lionel White.
– Rainer Werner Fassbinder présenté par Jacques Grand, critique de cinéma. « Lili Marleen », sorti en 1981 ; « Lola, une femme allemande » l’un des films de la « Trilogie allemande », sorti en 1981 ; « L’année des 13 lunes » sorti en 1978 et « Maman Küsters s’en va au ciel », film sorti en 1975 inspiré par le film muet « L’enfer des pauvres » de Phil Jutzi datant de 1929.
Cette formation initiée par l’association Gros Plan et l’école des Beaux-Arts de Quimper est réalisée dans le cadre du 50ème anniversaire de la Cinémathèque Française, laquelle a choisi 5 villes françaises, dont Quimper, pour marquer l’évènement.
L’étudiant sera particulièrement marqué par les films de Dreyer et de Fassbinder.
1986 - 1987
Inscrit en 3ème année. Au terme de cette 3ème année, Yann Queffélec commence à s’intéresser à la peinture.
1987 - 1988
Inscrit en 4ème année. Il poursuit son cycle au Département Communication à l’école des Beaux-Arts de Nantes. Il découvre une vraie liberté, et une relation étudiants/enseignants différente de celle de Quimper. Il prend conscience de son esprit de synthèse et de son vif intérêt pour les idées. « La communication est un jeu » dira-t-il. Il réalise quelques vidéos d’après ses propres scénarios et se cache pour peindre. Il entame un travail d’écriture, écrivant nouvelles et scénarios. Il consigne par écrit ses pensées, des phrases courtes et cinglantes nées du regard qu’il porte sur la société.
L’étudiant, toujours plus intéressé par la vidéo que par la peinture, fait la rencontre de Jean-Luc Godard le 8 janvier 1988, qui se déplacera au cinéma du Chapeau Rouge à l’occasion de la sortie de son film « Soigne ta droite » d’après une libre adaptation du roman « L’idiot » de Dostoïevski. A l’issue de la projection, il échangera avec le réalisateur. Il sera très marqué par cette rencontre.
1988 - 1989
Inscrit en 5ème année. Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Nantes, il termine ses études d’art avec son DNAP option communication.
1992
Il fait la rencontre des réalisateurs Eric Pittard, Thierry Lemerre et Michel Dupuy alors Président de l’association des Cinéastes Bretons, qui l’initient au genre du documentaire d’auteur, par leurs précieux conseils et la diffusion publique de films. Il comprend à ce moment-là qu’il est possible et intéressant d’éliminer la voix off des films contrairement à ce que propose la télévision. « Le film doit être pensé comme une succession d’images suffisant à toute explication », écrit-il dans son autobiographie (cf. monographie « Yann Queffélec – Un monde dont j’arpente les limites, 2019, éditions Locus Solus), « faire le choix de réaliser des films d’auteur permet de s’éloigner du circuit commercial et de l’équation : préachat télé = producteur = moyens techniques = salaires = formatage télévision = disparition du point de vue de l’auteur, et d’offrir ainsi davantage de liberté ».
Il participe au festival du film documentaire de Lussas. Il intègre le cercle des intermittents du spectacle et alterne des contrats d’assistant-réalisateur et de cameraman.
Durant toutes ces années il peint mais ne montre pas son travail.
1992 - 2000
Est assistant-réalisateur sur plusieurs documentaires et courts-métrages réalisés pour la télévision.
Il réalise plusieurs clips-vidéo et courts-métrages, dont « Asian Family meets style », « Le plein s’il vous plaît » documentaire sur fond de réalisation d’une fresque sur le port de Brest évoquant le naufrage de l’Erika, puis « Mon âme est Hip Hop »,… Il poursuit son activité de peintre et expose ses peintures à la galerie Verrimst à Concarneau. Il peint des huiles, arbres, sous-bois et marines, avec une écriture libre. Son travail est très coloré.
2001 - 2006
Il rencontre le réalisateur et ethnologue Jean Rouch en novembre 2001 à Paris. Il coréalise avec le cinéaste, écrivain, et journaliste au Monde Philippe Lafosse, le court-métrage « Extraits d’une conversation avec Jean Rouch au Café de l’Observatoire ». Film produit par l’association Gros Plan.
Sa rencontre avec le réalisateur le marquera durablement.
Yann Queffélec prend davantage conscience que réaliser des films pour la télévision ne fait que l’éloigner de plus en plus du processus de création. Pour être libre, il prend conscience qu’il doit faire seul. Avec l’argent gagné à la télévision, il fait l’achat d’un ordinateur de montage, d’une caméra et d’un « bon » micro. Des amis lui prêtent le reste. Et, toujours il peint.
En avril 2002, il participe aux Transversales, festival de cinéma organisé par l’association Gros Plan de Quimper. Il a pour thème les transmissions familiales, culturelles, identitaires et éducatives. L’association consacre une rétrospective sur l’œuvre de Jean Vigo et un hommage à Amos Gitaï. Y est invité Jean Rouch avec qui Yann Queffélec discutera longuement. Ce sera leur seconde rencontre, et tout comme la première, elle restera importante pour lui.
Est également invité le réalisateur, journaliste et écrivain Christophe de Ponfilly qui y présente son film « Massoud l’Afghan ». Film documentaire récompensé dressant le portrait du combattant des talibans, sorti en 1998. L’artiste déclarera plus tard dans sa correspondance avec sa compagne « Massoud, l’un des plus grands symboles de l’injustice dans ce bas monde ». Yann Queffélec est très touché par l’histoire de Massoud. Il accroche dans son atelier le poème persan écrit par un poète du Panjshir et lu par Massoud à ses fidèles compagnons :
« Il fait nuit, nos regards ont les yeux de ceux qui attendent. Dans la nuit, les étoiles scintillent çà et là. Trempé des larmes de peine et de souffrances, mon lit se trouve comme posé sur des flammes. Arrosé du courage, un rien devient perle s’il atteint le courant de ma volonté, à l’image d’un jardin à l’approche du printemps ».
Poème qui l’accompagnera tout au long de sa vie et qui toujours aujourd’hui demeure accroché dans son atelier. Il fait également la connaissance du cinéaste et critique Jean Douchet, autre rencontre importante pour le jeune réalisateur. Assistant-réalisateur de Michel Dupuy, prod. « Les films du moment », il tourne une série de 20 documentaires « Terre d’écrivains » sur de grands écrivains d’origine bretonne, laquelle recevra le prix Littérature au Festival International de l’UNESCO.
Sur le tournage d’un des courts-métrages, Yann Queffélec fait la connaissance de l’écrivain Charles Le Quintrec, dont il relate un extrait de leur rencontre :
« Artiste en devenir, faisant mes premiers pas sur mon chemin de peintre, je change souvent de nom et de signature. Mon nom, en effet, ne l’est plus. Il me semble que je le perds et qu’il ne m’appartient plus.
Yann Queffélec, l’écrivain, dont le nom à l’état civil est Jean-Marie Queffélec, reçoit le prix Goncourt en 1985 pour son roman « Les noces barbares » lorsque je suis étudiant en première année à l’Ecole des Beaux-arts.
L’ambition, ou une certaine naïveté ? Un artiste ne peut-il pas être un jour exposé à une certaine célébrité ? L’instinct me conseille alors de trouver un autre nom, un nom d’artiste. Je n’opte cependant pas pour cette idée.
Devenu assistant réalisateur au terme de mes études, je suis, quelques années plus tard, l’assistant du réalisateur Michel Dupuy sur une série de documentaires sur les écrivains bretons. La veille d’un de ces tournages, en 2001, Charles Le Quintrec, écrivain, romancier, poète et critique littéraire, Grand Prix de la Société des Gens de Lettres pour l’ensemble de son œuvre, ayant reçu par ailleurs de nombreux autres prix littéraires, appelle la production pour lui expliquer qu’il n’est pas question que Yann Queffélec vienne chez lui. La production lui indique qu’il ne s’agit pas de Yann Queffélec l’écrivain, mais de Yann Queffélec, le jeune artiste peintre, plasticien et assistant réalisateur.
C’est ainsi que je fais la rencontre de l’écrivain Charles Le Quintrec, qui, dès son arrivée, me conduit discrètement à sa cuisine, débouche une bouteille et, les yeux pétillants, levant son verre, me déclare « Je suis heureux de boire à Yann Queffélec le véritable ». Nous plaisantons. Se tisse alors un lien. Nous discutons des sujets qui nous habitent : l’écriture, la réalisation, et la peinture.
Le documentaire réalisé, l’écrivain m’offre l’un de ses romans sur lequel il m’adresse cette belle dédicace : « A Yann Queffélec, le véritable. Ce roman d’Histoire et d’amour et mon amitié. Charles Le Quintrec, le 10 mai 2001 ».
Je réalise soudain, que très curieusement, c’est un écrivain, un grand écrivain, breton aussi, qui me restitue mon nom, tandis que l’autre semblait me l’avoir emprunté, voire dérobé.
C’est ainsi que je retrouve mon nom. Le mien».
L’artiste poursuit son travail de peintre, des séries sur les arbres et sous-bois à l’huile. Il entreprend un travail sur les marines, à l’huile, au crayon et au pastel gras sur papier et sur toile. Très colorées, mais aussi parfois en quasi monochromie, elles sont à la limite de l’abstraction. Premières expositions de ce travail en 2002 au festival des Transversales, en 2003 à la galerie La Ville d’Ys à Audierne, et à Douarnenez où il reçoit le premier prix de la Ville en 2004.
Il délaisse peu à peu la couleur et l’huile au profit du noir & blanc et de l’acrylique et travaille sur grand format. Il pense épure et sens du geste.
Il anime des ateliers de cinéma au sein de l’association Gros Plan et réalise « Les Serpents d’Anatolie », film documentaire traitant des difficultés d’intégration que rencontre la communauté turque vivant dans le grand ouest de la France, coproduction « Les films du moment », TV Rennes Cité Média et TV10 Angers.
2007
Réalise son film « 23 jours sur l’île » en février. Long-métrage en couleurs tourné sur l’Archipel des Glénan où il part seul pendant 1 mois. Dépourvu de scénario, mais construit sur les propres intentions du réalisateur, le hasard du quotidien et de la nature, ou seule réside l’observation des îles de l’Archipel, le film se présente sous la forme d’un journal poétique qui s’écrit au jour le jour. Il écrira « …je partais à la découverte et j’attendais de voir ce que l’île allait m’offrir. Et tous les jours, je recevais des cadeaux merveilleux, ce sont plein de hasards qui ont construit mon film, car j’étais prêt à les recevoir et à y répondre. J’ai suivi les traces, la topographie des lieux, le mouvement des vagues et des algues. Il n’y a pas plus grand maître que la nature pour imaginer les formes. C’est une œuvre sur l’épurement. J’ai cherché à obscurcir le moins possible ce qui l’était par nature ». Puis il citera concernant son parti pris « …L’autoportrait en peinture, l’autofiction en littérature (le roman du « je ») et le film de Pier Paolo Pasolini « Repérages en Palestine pour l’évangile selon Saint-Mathieu », film où le réalisateur se met en scène, met en scène sa relation au paysage, et la confronte à sa part fantasmée des lieux de l’évangile, seront mes références ».
Au retour de l’archipel des Glénan, Yann Queffélec réalise le montage de son film, et, dans son atelier, termine sa première série de peintures « Rivages » avec uniquement « un pot de noir et de l’eau ». Une image particulière de son film retiendra son attention et sera à l’origine de ce nouveau travail. Exposées pour la première fois en galeries, elles rencontrent le public de manière inattendue et seront très vite vendues. Ses œuvres, sur lesquelles il semble n’y avoir presque rien sur le support blanc de la toile, silencieuses, réalistes et poétiques, convient la sérénité.
Son critique M. Johns, dans un entretien avec l’artiste en 2012, écrira « L’artiste toujours me réfute ou me reprend lorsque je parle de ses peintures en terme de paysage ». « Ce sont des rivages. C’est là. Apprenez que je ne fais jamais de paysages ». « Et en effet, depuis quelques années, le terme rivage constitue l’unique titre récurrent de ses toiles, avec quelques exceptions. Des exceptions qui semblent parfois éclairer son propos ou dérouter nos certitudes. Pourquoi réfuter aussi puissamment le terme « paysage » ? Lorsque je lui pose la question, l’artiste m’explique que sa peinture parle de tout autre chose. Derrière son propos, je puis affirmer qu’il y a plusieurs lectures possibles de ses toiles. J’y vois l’expression d’un rapport au temps, mais aussi la solitude, le silence, la pureté et l’éternité me reviennent constamment au sujet de sa peinture ».
Cette série des Rivages, l’artiste la poursuivra jusqu’au terme de sa vie. Il la titre ainsi, désignant sa position. C’est là où il se tient.
2008 - 2009
Sortie de son film « 23 jours sur l’île ». Il sera diffusé dans de très nombreux lieux culturels du Finistère et du grand ouest, suscitera un vif intérêt et rencontrera un grand succès. Années au cours desquelles il peint beaucoup, poursuivant sa série des Rivages commencée en 2007. Il expose à Quimper, Saint-Malo et Paris. Il écrit sur sa peinture estimant, comme on le lui a enseigné à l’école des Beaux-Arts, qu’il doit toujours justifier son parti pris.
2010
Ses films nourrissent sa peinture et réciproquement ses peintures nourrissent son travail de réalisateur.
Sur invitation, il part en résidence d’artiste, se rend sur Louët, îlot rocheux situé dans la baie de Morlaix, dans le Finistère. Il y tourne durant une semaine « Louët, là où je suis », court-métrage réalisé en noir & blanc expressionniste, sorte de rocher de Sisyphe.
Il poursuit parallèlement ses séries sur les Rivages et participe à plusieurs salons.
2012
Yann Queffélec lit beaucoup, photographie les sujets de son observation, les instants de son quotidien et de son milieu environnant, les rivages et la montagne. Fin observateur, il dessine. Ce sont des dessins caustiques presque toujours accompagnés d’une sentence, d’une phrase, nés du regard qu’il porte sur la société, le monde de l’art, et le monde tel qu’il va ou ne va pas. Tout ceci crée une synergie permanente, ses expressions entrent en écho les unes avec les autres. Ses dessins ne sont pas connus du public.
Il mène un travail de recherche constant, ne se satisfaisant pas de ce qu’il peut obtenir facilement. Il déclare à ce propos « J’aime les contraintes, car elles me permettent d’avancer. C’est dans la contrainte que je trouve une réelle liberté ». Sur la sobriété de son expression picturale, il déclare « Je fais et compose avec un pot d’acrylique noire, tout se passe entre ce pot de noir et moi, une économie de moyens qui va avec mon désir de liberté. Plus on voyage léger, plus on peut aller loin ».
Il loue un nouvel atelier de 120 m² qu’il nommera « son grand atelier » ou « l’atelier 2 » par opposition à son atelier plus petit situé dans les combles de sa maison. Ce nouvel espace lui permet d’entreprendre de grands formats. Poursuivant sa série des Rivages jusqu’à sa disparition en 2018, il mène parallèlement un travail de recherches et développe sa série « Vagues » et « 3 Vagues » de 2008 à 2017, thème qui revient régulièrement dans l’œuvre de l’artiste. A propos de cette série, l’artiste déclare que ces toiles, dans le mouvement incessant de la houle qu’elles sont censées représenter, les trois vagues sont celles du temps, le passé, le présent et l’à venir. Comme une éternité à elles seules.
En 2011, il entreprend une série « Les nuits » qui réunit une vingtaine de petits formats. Ces toiles préfigurent la série « Le ciel est une promesse » qu’il réalise en 2013, série qui à son tour annonce la série Templum, où la toile n’est plus que ciel. L’artiste désigne les Templum comme des rectangles de ciel et non le ciel lui-même, il déclare « Il ne s’agit pas du ciel mais de rectangles de ciel animés par des courants. Ces parts de ciel, tracées par les augures, leur servaient à lire l’avenir ».
2013 - 2018
Yann Queffélec opère un changement radical. Son travail de recherche le conduit à peindre une série de « Noires » par opposition aux « Blanches » : « Abstraites noires » et « Plus loin que l’horizon ». Elles sont toujours un travail sur la lumière et sur les rivages mais dans une autre expression. Il peint uniquement de grands formats et différentes séries se succèdent. Il s’agit à priori d’un travail différent, lequel déroute ses galeristes et ses proches, excepté sa compagne qui le soutient. Durant trois années, ce travail sera très peu montré. Trop grand, trop noir. Ces toiles agissent comme des négatifs. Pourtant, comme ses toiles blanches, les noires sont exemptes de toute épaisseur, elles ont toujours la finesse et l’impression inconsciente qu’il s’agit de photographies, mais sur lesquelles on ne reconnaît plus le réel. La sensation d’une relation à l’image photographique ou même cinématographique est parfois renforcée par de larges bandes noires qui occupent les parties supérieures et inférieures de la toile. Ces bandes animent parfois davantage l’espace que le « sujet » de la toile. Plus que ce qu’elles veulent montrer, elles semblent être le sujet lui-même.
Si l’artiste semble tenté par l’abstraction géométrique, ou plus simplement par la peinture de bandes, il refuse cependant de se soumettre à une tendance déjà bien établie. Le sujet finit toujours par réapparaître. Yann Queffélec déclare ainsi « l’introduction de la photographie dans les galeries, sa reconnaissance (tardive) en tant qu’art, est un des faits les plus marquants de la fin du XXème pour la peinture. La peinture doit s’engager différemment du passé sur le terrain photographique, celui de l’image, non pas en tant que représentation d’un réalisme, d’une réalité, mais dans l’interrogation de qui compose l’image, son essence, et sa problématique de l’apparence. La peinture doit aller là où ne peut aller la photographie et non s’y soumettre ». Et pourtant la photographie peut aller très loin. Très loin dans l’espace et le temps.
En 2014, l’artiste entreprend une nouvelle série « Morfès » au retour de son premier voyage sur l’île d’Ithaque et de ses ascensions du Mont Olympe et du Mont Parnasse. Il ne cache pas et revendique même un dialogue étroit avec la photographie. Les « Morfès » (du grec : formes, formations) avec leurs formations rocheuses ou osseuses, rapprochent notre regard du négatif photographique ou de la radiographie.
Vient ensuite la série « Les colosses » qu’il entreprend en 2012 et poursuit jusqu’en 2017. Reconnaissance dans le réel d’images réfléchies et paradoxalement inconscientes trouvant leur origine dans la destruction des sculptures monumentales des Bouddhas de la vallée de Bâmiyân en 2001 en Afghanistan, destruction orchestrée par les talibans invoquant que toute représentation humaine est interdite par la doctrine islamique. L’artiste, très choqué, dira « le colosse véhicule l’image d’un sujet indestructible, invulnérable et éternel, notions qui prennent leur source dans la mythologie grecque et qui vont dans le prolongement de mon travail, comme une volonté d’affirmer qu’il est impossible de détruire ces images. Je pensais que le sujet était important et qu’il fallait faire ou dire quelque chose ».
L’artiste vient de quitter son grand atelier, ceci afin de rejoindre l’espace plus petit et plus intimiste de son atelier situé dans les combles de sa maison. Nous sommes en 2016. Il en a besoin pour démarrer autre chose. Des formats plus petits. Sans aucune idée préconçue, déclare-t-il, il commence à travailler des formats carrés de 60cm x 60cm, à explorer dans le noir en utilisant d’anciens gestes, avec l’idée consciente ou inconsciente d’en créer de nouveaux. Des images naissent puis disparaissent. Séquences. Œuvrant dans le froid dans son atelier, il n’a que quelques secondes pour décider s’il conserve une image ou s’il la détruit. Il passe parfois plusieurs heures sur un format 60cm x 60cm, voyant plus de dix images naître et disparaître. C’est épuisant, constate-t-il. Ce travail se poursuit durant des semaines. Puis un jour, il regarde un documentaire sur la sonde Rosetta envoyée depuis plus de dix ans dans l’espace avec pour objectif de rencontrer à des millions de kilomètres de la Terre, dans ce vide sans vie apparente, une comète nommée 67P/C-G. « Une histoire fantastique ! S’exclame-t-il, dix ans d’attente pour obtenir une image. Je sais immédiatement ce que je cherche dans le noir ».
Le choix opéré par l’artiste pour démarrer ce nouveau travail, ne doit pas qu’au hasard. Ainsi, l’archivage des peintures de cette série des météorites débute par le chiffre 331, sans plus d’indication quant au sujet véritable. A ce jour, 330 comètes ont été identifiées par les instruments d’optique des spécialistes de l’espace. Yann Queffélec éprouve le besoin de s’appuyer sur cette identification, mais pas nécessairement sur le visible. L’image vidéo dont il parle lorsqu’il évoque ses rivages lui donne un point d’appui et un point de vue. Ceux nécessaires au dépassement par la peinture et qui permettent à l’artiste -l’auteur- de s’effacer. Le procédé est ici identique. L’artiste déclare que ses peintures, bien qu’il les ait nommées parfois comètes, parfois météorites, ne parlent ni de comètes, ni de météorites, mais d’objets flottants dans l’espace, du silence, d’un temps qui nous dépasse, d’une genèse du monde, ou d’une fin du monde, de ce qui a été, est, et sera après nous. De ce qui sera après lui.
Il entreprend ensuite une série intitulée « Laids », acrylique et crayon sur toile, réalisée en 2016, laquelle comporte une trentaine de petits formats 28cm x 22cm et 27cm x 27cm. Cette réalisation annonce la série des « Sombres » réalisée en 2016 et 2017, elle-même comportant 34 formats 80cm x 70cm. Ces séries se composent de sombres figures empreintes d’une écriture expressionniste.
L’artiste n’a pas eu le temps d’écrire sur ce travail.
Yann Queffélec a développé des concepts qui touchent à l’éternité, par sa retranscription plastique sans égal et le sujet de ses oeuvres qui traite de ce qu’il y avait avant l’homme, pendant et après l’homme, dans l’ignorance presque totale de ce dernier, lequel apparaît comme une poussière face à la grandeur des dieux abstraits régissant son Monde, ceci dans un dessein plus grand que celui du développement d’une créature dotée de conscience.
Peu importe le format, on y retrouve toujours une sensation de grandeur, de dignité de la nature (humaine), à travers un traitement longtemps perfectionné de la peinture acrylique noire, outil privilégié dans son écriture, sa traduction ou son illustration du minéral.
La recherche de son travail a mené l’artiste aux limites de la technique acrylique sur toile ainsi que de ce que l’on peut nommer une ouverture spirituelle sur un monde de colosses éternels où les problématiques sociétales apparaissent comme lointaines et fragiles, un monde où la conscience peut se reposer de l’humanité.
L’artiste, né le 8 novembre 1965 à Brest, s’est éteint brutalement le 12 juillet 2018 dans le Massif des Ecrins, en faisant l’ascension du Pic Coolidge culminant à 3775 mètres d’altitude.