23 jours sur l’île. Film documentaire, 66 mn. Couleurs. 2008. Autoproduction.

23 jours sur l’île est le premier film que j’ai autoproduit. Il a été tourné au mois de février sur l’île Saint-Nicolas dans l’Archipel des Glénan.

Après avoir travaillé pendant quelques années avec des sociétés de production de films documentaires, j’ai décidé de réaliser des films seul, sans me soucier des diffuseurs et des réalités commerciales de l’industrie cinématographique. Puisque je devenais le personnage principal du film, le personnage se devait être dans une situation extra- ordinaire. Que ce soit moi, et parallèlement quelqu’un d’autre. En le préparant, évitant soigneusement l’écriture d’un quelconque scénario, j’ai pensé à l’autoportrait en peinture, à l’autofiction en littérature.                                                L’idée de partir seul sur cette île, peu éloignée de la côte, était présente en moi depuis longtemps. J’y étais venu à deux reprises, et ce fût à chaque fois des instants particuliers. Tous les jours, je partais à la découverte et j’attendais de voir ce que l’île allait m’offrir. Et tous les jours, je recevais des cadeaux merveilleux, ce sont plein de hasards qui ont construit mon film, car j’étais prêt à les recevoir et à y répondre. J’ai suivi les traces, la topographie des lieux, le mouvement des vagues et des algues. Il n’y a pas plus grand maître que la nature pour imaginer les formes.                      C’est une œuvre sur l’épurement. J’ai cherché à obscurcir le moins possible ce qui est lumineux par nature.

L’écriture du film

Pas de scénario à proprement parler. Plutôt des intentions, des pages d’intentions. Lorsque je relis ce que j’ai écrit durant les mois qui ont précédé mon départ sur l’île Saint-Nicolas, je me rends compte que dans ces pages figurent les intentions de mon second film Louët, là où je suis. Filmer en noir et blanc, jouer avec le temps, la vitesse des images. Je savais néanmoins que ce film serait construit sur la base d’un journal, au jour le jour. Je savais aussi ce que je ne voulais pas faire : pas d’interviews par exemple. J’avais aussi préparé des éléments de dédoublement, une seconde caméra, en bois celle-ci, destinée au personnage qui évolue sur l’île, une photographie, un autoportrait qui apparaît brièvement à la lueur d’un éclairage derrière une vitre la nuit, une girouette noire me représentant en ombre chinoise.

Le « je » et l’autofiction. L’autoportrait en peinture et au cinéma.

L’autoportrait en peinture

Pour ne citer qu’un exemple, un tableau de James Ensor « Arlequin injuriant la mort » dans lequel le peintre se représente sous la forme d’un arlequin en costume, grimaçant horriblement, en train de peindre un crâne imagine t-on, qu’il tient dans sa main. Le peintre s’y représente en action (il est en train de peindre), mais il est grimé. Ce n’est pas tant sa réalité (physique) qu’il représente, mais une réalité de l’inconscient. James Ensor pose cette question : Lequel est vraiment moi ? Et l’on ne saurait vraiment répondre. Ce tableau met en scène la dualité de l’homme. Il se livre à un double jeu (je), se représenter en action, ce qu’il fait, et tenter de représenter une part inconnue, invisible de lui-même, ce qu’il est obscurément. Une sorte d’autoportrait de l’inconscient là aussi, où l’artiste en peignant défie la mort. James Ensor y ajoute une part de dérision propre à son style et à sa vision de l’existence.

L’autoportrait au cinéma

Mon souvenir le plus ancien est celui d’un documentaire de Pier Paolo Pasolini dans « Repérages en Palestine pour l’évangile selon Saint-Mathieu » diffusé au Festival de Lussas. Le titre est évocateur. En 1964, Pasolini se filme en action lors de repérages. Il se met en scène, met en scène sa relation au paysage, la confronte à sa part fantasmée des lieux de l’évangile.